Danse

Perles : danser, jouer et chanter pour célébrer la culture d’ici

Durée de lecture : 4 min

Par Nancy Caouette

Raconter le Québec d’hier et d’aujourd’hui en faisant briller des perles culturelles parfois ternies. Voilà la mission que s’est donnée la compagnie PPS Danse avec le spectacle Perles. Ce spectacle hybride propose un alliage de danse, de chant et de musique afin d’explorer les thèmes de l’amour, de l’identité et du territoire à travers le temps. 

Il aura bien fallu trois ou quatre ans à Pierre-Paul Savoie, chorégraphe-interprète et metteur en scène natif de Maria en Gaspésie, et à son complice David Rancourt pour imaginer les contours d’une œuvre de danse contemporaine qui rendrait hommage au Québec dans toutes ses subtilités. 

« On a passé beaucoup de temps à écouter de la musique, à se relancer, à se faire des rencontres sur le type de musique qu’on voulait, le choix des artistes… Évidemment, il y aurait de la chanson francophone, mais aussi des pièces instrumentales. Comment on intègre certain·e·s artistes anglophones et même d’autres langues? Est-ce qu’on équilibre les auteurs et les autrices? », se remémore David, le directeur artistique de PPS Danse.

Puis, en 2021, Pierre-Paul a quitté la scène. Il est décédé 32 ans après avoir fondé la compagnie de danse qui porte ses initiales, PPS Danse. David a puisé à même ce départ pour faire naître une motivation sans pareille, soit celle de créer leur ultime idéation — Perles. Ce spectacle se veut un voyage dans l’immensité du Québec, de la Révolution tranquille à aujourd’hui, et il explore les thèmes intemporels de l’amour, de l’identité et du territoire, notamment dans l’œil de huit chorégraphes invité·e·s. « Nous avons choisi une cinquantaine d’œuvres que nous avons fait écouter aux chorégraphes et ils ont choisi les pièces qui les interpellaient le plus », ajoute David qui a aussi contribué aux chorégraphies de Perles. 

Ces œuvres ont donc traversé le prisme des différentes visions chorégraphiques, teintant par le fait même le message transmis par la danse. « C’est aussi pour cela que le spectacle s’appelle Perles », souligne-t-il. « Chaque artiste a apporté sa vision, sa touche au spectacle. Comme une perle à un collier. Il y a d’abord ma direction artistique avec l’idéation de Pierre-Paul. Les chorégraphes invité·e·s ont ensuite donné vie à leurs créations et maintenant, c’est les interprètes qui s’approprient ce matériel et le partagent à leur façon avec le public. »

Et si les pièces proposées proviennent « d’artistes d’importance, qui ont participé au paysage musical d’ici », ce ne sont pas forcément leurs plus grands succès qui sont mis de l’avant, souligne le directeur artistique de PPS Danse. « Et j’en retire une certaine fierté », avoue-t-il. « Par exemple, pour Jean Leloup, c’est facile de penser à ses grands hits, comme 1990 ou I lost my baby… mais on a choisi Sang d’encre, une magnifique chanson, mais beaucoup moins connue. »

Démocratiser la danse contemporaine

En tout, quatre chanteur·euse·s, six danseur·euse·s et quatre musicien·ne·s (re)donnent vie à ces perles musicales d’ici extirpées du catalogue musical local des six dernières décennies et interprétées exclusivement au piano et aux instruments à cordes. « Il y en a pour tous les âges et tous les goûts », assure David. « Pour une œuvre qui, esthétiquement ou encore graphiquement, parle moins à quelqu’un dans la salle, en moins de cinq minutes, cette personne se retrouve dans un autre univers complètement. Quand Mommy de Pauline Julien et le Tour de l’île de Félix Leclerc sont jouées, on sent comme un apaisement d’une certaine partie du public qui reconnaît ces airs. À d’autres moments, une pièce de Bran Van 3000 donne vraiment un autre souffle au spectacle, puis un autre artiste plus moderne, comme Flore Laurentienne arrive. »

David Rancourt croit que la multidisciplinarité artistique du spectacle permet elle aussi de séduire plus facilement le grand public. « Le chant et la musique peuvent attirer un public qui n’aurait pas été porté à aller voir de la danse contemporaine à la base », explique-t-il. Une initiative de médiation culturelle (des ateliers présentés par PPS Danse notamment dans des écoles) permet aussi à la compagnie de mieux servir cette mission de vulgarisation de la danse contemporaine. « C’est plus qu’un atelier de danse. On leur fait faire de l’improvisation, on les met en contexte sur les clés ou les moteurs du développement du matériel de Perles et d’autres spectacles. On leur donne les mêmes exercices qu’on a fait faire à nos artistes. Les participant·e·s sont invité·e·s à explorer, puis à créer leur matériel. » 

Est-ce une façon de découvrir de jeunes adeptes de danse qui s’ignorent? « Je le crois, oui », répond David. « Moi, je viens de Rouyn-Noranda et c’est, entre autres, des activités de médiation culturelle avec Paul-André Fortier ou O Vertigo, qui m’ont fait prendre conscience qu’une carrière en danse, ça existait… À la fin de mon secondaire, je pensais étudier en théâtre à Montréal, mais ces rencontres ont été pour moi un déclic. Ça fait plus de vingt ans que je danse. Ça a changé ma vie! »

Démocratiser la danse contemporaine a toujours été l’une des missions fondamentales de la compagnie fondée en 1989 par Pierre-Paul Savoie. Est-ce que Perles est un peu comme un au revoir s’adressant à cette éloquente figure de la danse contemporaine?
« Le mari de Pierre-Paul est venu nous voir à Montréal. Il m’a dit : “C’est comme si je sens Pierre-Paul dans ce spectacle, car il lui a donné la forme et le contexte. Mais toi, David, tu t’es approprié le contenu et ça vous appartient maintenant. C’est une nouvelle signature artistique.” Pour moi, c’est une façon de passer le flambeau », conclut David Rancourt avec fierté.