Musique

Kanen : l’étoile montante de la pop-folk innue

Durée de lecture : 3 min

Nancy Caouette

Avec cette première tournée, l’artiste originaire de Maliotenam nous convie dans sa Mitshuap, sa maison. Un projet qui lui permet de se réapproprier sa culture, sa langue… mais surtout sa fierté d’être innue.

Kanen. Si ce nom vous est encore inconnu, retenez-le bien, car il sera bientôt sur toutes les lèvres. L’autrice-compositrice-interprète native de Maliotenam — ou Malio, comme elle le dit — connaît un début de carrière aussi fulgurant et éclatant que les météores de son inspirante terre natale. 

 

L’artiste de tout juste 24 ans a été en nomination au Gala de l’ADISQ, demi-finaliste des Francouvertes, Révélation Radio-Canada… tout ça en plus de chanter devant des milliers de personnes sur les plaines d’Abraham lors du grand spectacle de la Fête nationale. « C’est sûr que ça aide beaucoup toute cette visibilité. Je suis extrêmement reconnaissante pour tout ce qui m’arrive. En ce moment, je travaille à 100 % sur ma carrière », explique Karen Pinette-Fontaine, alias Kanen, avec une certaine timidité dans la voix.

 

Elle décrit sa musique comme de la pop-folk intimiste, sensible, engagée et bilingue qui s’inscrit dans le mouvement d’artistes autochtones qui cherchent à préserver leur langue et leur identité, comme Samian ou Elisapie. « Je suis vraiment reconnaissante envers ceux qui ont pavé le chemin pour nous », dit-elle en faisant notamment référence à Kashtin, célèbre groupe constitué de Florent Vollant et Claude McKenzie, deux talents originaires de sa terre natale. « Il y a quelque chose de très autochtone dans ma musique. On a un type de folk bien à nous, les autochtones. Quand je joue du ukulélé, on me dit que je sonne comme Florent [Vollant] et ça me fait plaisir. » 

 

Se réapproprier sa langue

Par sa musique, Kanen souhaite se réapproprier la langue de ses ancêtres et de ses parents avec qui elle a toujours essentiellement parlé en français. « C’était plus simple, car l’école était en français et on voulait s’assurer que je réussisse bien. Mais dans la maison, ça a toujours été un peu bilingue. L’innu-aimun, je l’entendais tous les jours, mais je ne le parlais pas. Je l’ai quand même en moi », décrit-elle. 

 

Toute jeune, Kanen suit des cours de chant et de théâtre avant de découvrir la poésie, un monde dans lequel elle se plonge parfois des heures durant. Puis, à 18 ans, c’est le grand départ vers la ville. « Je suis la seule de ma famille à ne pas vivre dans la communauté! C’est difficile, je m’ennuie, mais j’en avais besoin pour avancer. Je suis partie à Québec et j’ai pris des cours d’innu-aimun au cégep. L’enseignante nous a demandé de prendre un nom à sonorité innue. Comme il n’y a pas de “r” dans cette langue, mon prénom Karen est devenu Kanen. J’ai gardé ce nom, car il colle bien à mon projet artistique », raconte celle qui habite aujourd’hui à Montréal, une ville « envahie de soleils artificiels » où la nuit « […]n’existe pas » comme elle le chante.

 

C’est donc en français que Kanen joue avec les mots et écrit ses métaphores qu’elle traduit ensuite en innu-aimun « quand elle le sent ». « Ça m’oblige à fouiller dans les dictionnaires, sur internet, même dans mes livres d’école! C’est ma mère qui me relit ensuite et j’en suis heureuse, car ça nous a énormément rapprochées culturellement parlant… Je pense que ça la touche beaucoup que je fasse autant d’efforts pour me réapproprier la langue et contribuer à la préserver. » 

 

Dialogue entre autochtones et allochtones

En tournée dans l’Est du Québec, Kanen a présenté les chansons issues de son premier album paru en avril 2023 intitulé Mitshuap. « Ça signifie “maison”, mais, métaphoriquement parlant, c’est aussi une sorte d’entité. Mitshuap, ça peut être une personne, une place, un territoire ou même un moment dans lequel on se sent bien », explique-t-elle. 

 

D’ailleurs, la chanson éponyme de cet album est, pour elle, la plus difficile à interpréter. « Ça parle des femmes autochtones assassinées et disparues. Ça me touche, car ça aurait pu être moi, cette fille qui devient une simple statistique. J’ai la chance d’avoir connu une autre réalité. C’est important qu’on ne les oublie pas. » 

 

L’autrice-compositrice-interprète a su bien s’entourer pour créer ce premier opus. En plus de compter sur l’aide de Safia Nolin et Elisapie, elle a composé et chanté en duo la chanson Nimueshtaten nete avec l’artiste nord-côtier Louis-Jean Cormier qu’elle qualifie de mentor. « On est dans une période de conversation et d’échanges entre autochtones et allochtones. Je pense que plus les Québécois en apprennent sur nous, plus ils se rendent compte qu’on a beaucoup en commun. On se rejoint sur l’idée de vouloir préserver la langue, notre identité. Être fiers de qui nous sommes, de notre culture… on vit un beau moment. »

Aura-t-on droit à un album exclusivement en innu-aimun prochainement?
« C’est tout un défi pour moi de réapprendre ma langue. Je suis encore dans l’exercice de l’inclure dans ma vie de tous les jours, en écoutant de la musique ou la radio communautaire de mon village. Mais c’est l’apprentissage de toute une vie!  », lance-t-elle.