Musique

Keith Kouna, à la frontière du punk

Durée de lecture : 3 min

Jean-Christof Cloutier-Ross

Keith Kouna : voilà un nom qui résonne dans le paysage musical québécois depuis de nombreuses années déjà. L’auteur-compositeur-interprète est connu pour ses textes intelligents et parfois rigolos qui savent à la fois divertir et toucher le cœur des gens. Après le lancement d’un album jeunesse sous le sobriquet de Kid Kouna, l’artiste de 49 ans revient à la charge avec Métastases, un opus qui le ramène vers un public adulte. Au dire du principal intéressé, on trouve de tout sur cet album. « Les thèmes romantiques, l’amour et la mort. Et quelques petites bulles au passage. Une bulle fâchée, une bulle cabotine… comme un gros pot-pourri », mentionne Keith Kouna.

 

Ce nouvel album est assez massif, tellement qu’il pourrait représenter un défi une fois sur scène. « J’avais peur avec cet album-là de 20 chansons de faire des spectacles interminables », admet l’artiste. « On a réussi à bâtir un spectacle bien dense, mais qui ne s’étire pas non plus », ajoute-t-il, content du résultat. Ainsi, l’énergie qui se transmet sur scène assure une expérience diversifiée, qui conserve toutefois une bonne part de rock et de « défoulement collectif ». Une fougue qui a fait la renommée de Keith Kouna. Toujours à l’affût, et doté d’un grand répertoire de chansons, il s’amuse à modifier l’enchaînement des chansons sur scène. « Parfois, je vais chercher des vieilles tounes qu’on ne s’attend pas à entendre », ajoute-t-il sur un ton enjoué. Une chose est certaine, ce spectacle-là ne manquera pas de nous surprendre!

 

Si Keith Kouna se permet quelques improvisations, c’est qu’il a bâti au fil des ans une grande expérience musicale. À ses débuts, il a entre autres fait beaucoup de busking lors de ses voyages. Cette pratique, qui consiste à jouer de la musique dans la rue pour gagner de l’argent, disparaît peu à peu. L’artiste, de retour de vacances en Europe, en témoigne. « Je suis allé à Londres, Berlin, Paris. J’ai pas vu vraiment de busking. Alors qu’il y a 20 ans, c’était partout. Je ne faisais que ça. J’ai passé deux ans à ne faire que ça. On débarquait dans une ville, on chantait devant une terrasse et on faisait le cash pour passer la soirée », se remémore-t-il. « Triste de voir que c’est perdu, que ça s’en va. C’est un peu comme l’autostop. Ma vieille nostalgie romantique… »

 

Le busking, l’autostop — des activités un peu marginales que le commun des mortels pourrait qualifier de punk. Avec ses textes cyniques et toujours irrévérencieux, on pourrait penser que Keith Kouna colle à l’image de sa musique. Mais le musicien de 49 ans est-il vraiment un punk? Ou du moins, l’est-il encore? « Ah là là! La question! », lâche-t-il en éclatant de rire. La réflexion l’habite déjà et anime ses conversations avec son entourage. « C’est comme si je disais : est-ce que tu te considères poète? Pour moi, poète et punk, c’est la même chose. Il y a quelque chose de très absolu. » Il pèse ce dernier mot, « absolu », comme pour souligner son désir d’incarner certaines nuances. « J’ai de la misère à payer une hypothèque et dire que je suis punk, c’est plus ça. J’ai une image bien clichée du punk et du poète. Moi, un punk avec un forfait internet, un poète avec une marge de crédit… il y a des incohérences dans ma tête. Mais j’ai une tendance! », termine-t-il en riant. Malgré tout, il reste un grand sympathisant du mouvement et garde une certaine nostalgie pour cette période où il était (peut-être) plus en phase avec l’esprit rebelle du punk.

 

S’il n’est pas un punk, Keith Kouna est toutefois un indépendant, c’est indéniable. L’auteur-compositeur-interprète crée ce qu’il souhaite, sans contraintes. C’est une liberté à laquelle il tient, et qui l’a mené à forger des amitiés durables, entre autres avec Daniel Saint-Pierre, propriétaire de la résidence de création du Moulin du Bic. « J’adore ça à chaque fois que je vais là! L’ambiance, le mode de vie, l’histoire de vie à Daniel. Être le plus indépendant, le plus libre possible. À contre-courant aussi, être critique, de soi-même et du reste. » Il souligne l’importance de ne pas rester uniquement dans les paroles et de se montrer cohérent dans ses actions.

 

Ce genre d’autocritique et de discipline le suit dans sa création. Exigeant envers lui-même, il cherche constamment à se dépasser et à offrir le meilleur à son public. « J’essaie de ne jamais tourner les coins ronds, de me renouveler le plus possible. Mais en même temps, de ne pas non plus être juste tout seul dans mon trip. Je veux explorer, mais je veux garder ma couleur et une cohérence avec tout ce que j’ai fait avant », explique-t-il avec une pointe de fierté. Keith Kouna est aussi très conscient qu’il est le genre de musicien qui peut faire « n’importe quoi ». Son album jeunesse avait suscité la surprise, mais incarnait tout de même une sorte de cohérence artistique. En effet, s’il profite aujourd’hui d’un aussi large éventail de possibilités, c’est qu’il a su se montrer authentique tout au long de sa carrière, tant avec Les Goules qu’en solo.

 

Keith Kouna est bien plus qu’un simple artiste. C’est un poète, un punk et un libre penseur qui défie les normes. Bien qu’il se détache de certaines étiquettes, c’est en touchant à tous ces caractères absolus qu’il se dessine une personnalité nuancée qui lui permet de se tailler encore et toujours une place de choix dans le paysage musical québécois. Du haut de sa cinquantaine qui approche, il est une figure authentique et inspirante qui ne cesse de donner de l’énergie à son public.