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Le rendez-vous raté, puis repris d’Etienne Dufresne

Durée de lecture : 6 min

Nadia Ross

Quand Etienne Dufresne a décidé de quitter le monde de la photographie pour faire le saut en musique, on peut dire qu’il est resté sur le tremplin pendant deux ans — il devait présenter son projet aux diffuseurs quand la pandémie a frappé! Il avait en main son excellent premier EP intitulé Sainte-Colère. Jamais un album n’aura aussi bien porté son nom dans les circonstances.

Malgré le mauvais sort, l’auteur-compositeur-interprète montréalais s’est lancé dans la création d’un deuxième album. Excalibur est arrivé à temps pour la reprise des activités culturelles : la quête d’une carrière musicale pouvait enfin reprendre. C’est un peu à cette image que se réfère Etienne Dufresne quand il parle de son projet. « Je pars dans une quête pour défendre mes textes et vaincre le dragon de l’anxiété! » Sous-jacente au projet depuis les tous débuts, on sent aussi une grande quête, celle de réussir sa vie.

Après avoir baigné dans le milieu de la musique à travers sa lentille, le photographe avait peur de passer à côté de quelque chose. Il sentait que son tour était venu de vivre un rêve musical. C’est porté par cet élan existentiel qu’il a écrit ses premières chansons, vite et presque à la blague. Puis, on l’a pris au sérieux! « Je connaissais déjà beaucoup de monde parce que je travaillais dans l’industrie de la musique, alors ça n’a pas été trop difficile d’être signé (chez ChiviChivi) ». Cependant, aujourd’hui il regrette un peu de ne pas avoir fait le saut plus tôt. « Des fois, je m’imagine où je serais rendu si j’avais commencé à faire de la musique dans la vingtaine », lance le jeune trentenaire.

C’est justement cette angoisse de voir le temps passer un peu trop vite ainsi que la peur de l’engagement et de vieillir qui sont exprimées dans les textes d’Etienne Dufresne. Les références fréquentes à la piscine rappellent les fameux tourbillons que créent les enfants en tournant sans cesse dans un même sens pour créer un courant. Comme si l’adulte tournait en rond en attendant de sortir de l’eau, de son confort. Etienne Dufresne ne veut visiblement pas tomber dans la routine et il nous convainc d’en faire autant quand on l’écoute.

Le ton de l’album n’est toutefois jamais grave ou moralisateur. On pourrait même dire que les images évoquées font souvent sourire, mais l’ambiance musicale de sa proposition est assez mélancolique par moment. Est-ce que ce serait la touche de Félix Petit (Les Louanges) à la réalisation qui se fait sentir? Le tonus de sa voix rappelle celle de Connan Mockasin et Daniel Bélanger est une inspiration importante pour les textes.
« Des fois avec Bélanger ça va loin, mais ça finit toujours par être bien groundé. »

Dans Excalibur, on sent bien cette influence qui nous fait naviguer entre l’universel et le quotidien, entre le fantastique et le réel. Dans Rien, il nous ramène à cette peine d’amour qu’on a toutes et tous vécu au moins une fois. C’est la pièce de son répertoire qui a particulièrement retenu l’attention l’été dernier au Festival en chanson de Petite-Vallée où Etienne Dufresne a gagné le prix ROSEQ. « C’est drôle que ce soit cette chanson-là qui a pogné. On l’a ajoutée à la dernière minute sur l’album. » Il aurait peut-être plus misé sur une histoire d’amour impossible avec Jolicoeur, sa chanson Belle et Bum qui serait selon lui un mélange entre la musique de la série culte Twin Peaks et les textes de Luce Dufault!

Quant au morceau Je respire qu’il a lancé ce printemps avec Ariane Roy, il plonge en lui-même, lui qui doit littéralement se rappeler de respirer pour vaincre son anxiété. Par contre, avec son look de bureaucrate dans la vidéo, on sent aussi qu’il critique la psycho-pop et son industrie.

C’est d’ailleurs dans ce costume que lui et ses comparses se sont présentés à Rimouski lors de la Rencontre d’automne pour présenter une vitrine devant une salle pleine à craquer. Il avait tout à fait le look d’un adulte prêt à signer une tournée et surtout prêt à ne pas rater sa deuxième chance de faire bonne impression!

 

« J’veux pas mourir à Montréal, j’m’ennuie du monde normal. » C’est la première phrase de la pièce Rien du plus récent album d’Etienne Dufresne… qui vit à Montréal justement!