Musique

Maten : Les Cowboys Fringants autochtones

Durée de lecture : 3 min

Nancy Caouette

 Le groupe héritier de la célèbre formation Kashtin présente un spectacle qui se veut une rétrospective de leur carrière. Prêt·es pour un gros party?  

 

 

Quand on écoute Maten, c’est presque automatique, notre pied bat la mesure aux rythmes de percussions fortes et bien marquées. Difficile toutefois de cantonner les mélodies dans un style musical précis. Les quatre albums du groupe né à la fin des années 1990 à Mani-utenam sur la Côte-Nord sont éclectiques. En un claquement de doigts, on passe du blues, au folk-rock alternatif, au country-pop, et même au disco avec des sons électroniques qui rappellent le titre Funky Town (dans la chanson Uitamu). 

 

« Maten, ce n’est pas conventionnel. Si ça nous tente de passer du rock vers un rythme plus traditionnel de tambour appelé makusham, on le fait!  Il y en a pour tous les goûts et je vais te dire quelque chose : les spectateurs passent vraiment du bon temps avec nous! Louis-Jean Cormier trouve qu’on est un peu comme Les Cowboys Fringants autochtones », lance avec enthousiasme Mathieu McKenzie, l’un des trois membres fondateurs du groupe et le fils de l’artiste innu et ex-membre de Kashtin, Florent Vollant.

 

Mathieu raconte que, comme pour plusieurs artistes autochtones, le Festival Innu Nikamu fondé il y a 39 ans par son père a servi de terreau pour la création de Maten. « Samuel Pinette, Kim Fontaine et moi, on se connaît depuis la maternelle. Et le Festival nous a permis de découvrir des instruments, la guitare… »

 

Chanter pour sa survie

 

Mathieu explique que le mot « maten » en innu-aimun désigne la brume épaisse qui se dessine parfois au-dessus des lacs à l’automne, et qui, selon le savoir de ses ancêtres, est présage d’un grand froid à venir. Quand l’existence est devenue plus froide et hostile à l’adolescence, la musique a offert un exutoire à Mathieu et sa gang. 

 

« La première chanson écrite par Samuel Pinette parlait de l’effet dévastateur de la drogue dans notre communauté. On a d’ailleurs perdu un ami à cette époque. Donc on s’est mis à chanter, à jouer de la guitare pour ne pas garder ça en dedans. On parlait de nos souffrances et de nos blessures, mais aussi de l’importance de préserver notre culture et notre langue. On ne chante qu’en innu-aimun, notre langue maternelle et la langue dans laquelle on pense! »

 

Le groupe auquel se sont ajoutés deux musiciens atikamekw touche aussi à des thèmes plus universels, poursuit-il. « On parle beaucoup d’espoir, de fierté renouvelée, d’amour. On regarde un peu dans le rétroviseur, pour ne pas oublier la “vraie histoire”, les traumatismes, et pour demander conseil à nos aînés… mais on ne regarde pas trop longtemps dans le rétroviseur, sinon on risque de se cogner. On regarde en avant, vers l’avenir, vers nos enfants et nos petits-enfants. »

 

Pionniers du rock-pop autochtone surnommés la relève de Kashtin, les membres de Maten veulent aussi être une source d’inspiration pour les jeunes. « Ça fait toujours plaisir d’apprendre qu’on a contribué à la carrière d’un jeune. C’est pour eux qu’on fait ça, pour garder nos communautés vivantes! Il y a Scott-Pien Picard qui est venu nous voir dans les Festivals quand il était petit. Il a eu la piqûre de la musique en nous écoutant et aujourd’hui, il inspire les autres jeunes à son tour. C’est une chaîne! », dit Mathieu McKenzie, une pointe de fierté dans la voix. 

 

« On a besoin de vous! »

 

Les invitations qui se multiplient depuis quelques mois dans les villes et municipalités allochtones du Québec constituent aussi une source de fierté pour les membres du groupe. « On a joué sur les Plaines d’Abraham aux côtés de Patrick Normand et des Vulgaires Machins! J’étais vraiment heureux d’être là, pour célébrer avec les Québécois. Ça me touche tellement, j’en ai les larmes aux yeux! », se réjouit-il en précisant qu’il savait au fond de lui-même que ce moment de rencontre viendrait un jour. « On a des valeurs à se partager de part et d’autre. On a besoin de vous pour raconter la “vraie histoire” et faire connaître aussi la richesse de notre culture. On a besoin de vous pour être fiers à nouveau, pour rallumer chez les jeunes la fierté de leur langue et de leur culture. » 

 

Le dialogue est plus ouvert que jamais, mais est-ce que le party lève autant quand le public ne comprend pas les paroles? « Quand la toune est bonne, elle est bonne, qu’elle soit en créole, en anglais ou en espagnol », répond Mathieu, visiblement habitué à répondre à cette question. « Et on est généreux. Si on joue pendant une heure et que le party est pogné, on ne vous laisse pas tomber. On en donne toujours plus et on enchaîne les rappels. C’est vraiment un gros party! », promet-il.