Danse

Danser pour échapper à la cyber-réalité 

Durée de lecture : 3 min

Nancy Caouette

Sur scène, cinq filles bougent par mouvements vifs et parfois saccadés, des élancements typiques de la danse de rue ou street dance. Dans une série de tableaux ancrés dans l’univers multimédia, elles cherchent à fuir les éléments technologiques qui les piègent, les contrôlent, les épient. Leur nom de code? Eva_D.

 

« En fait, on interagit avec l’écran, la musique originale et les éclairages. Ces créations technologiques dansent avec nous et prennent parfois le contrôle de la situation. Nous, les cinq filles, on se retrouve prises à l’intérieur de cette entité technologique qui devient carrément un sixième membre du groupe », explique la chorégraphe en chef du spectacle, Laurence Brière. 

 

Avec cette œuvre multimédia du collectif C4 (à prononcer à l’anglaise) mettant en vedette Laurence Brière, Cynthia Giard, Aileen Castro, Anna Zakharova et Emilie Lacas, le public est appelé à ressentir une gamme étoffée d’émotions par l’entremise de chorégraphies aux accents hip hop, popping, house et breakdance.

 

« On veut que les spectateurs s’évadent, eux aussi, pour un moment. Certains tableaux sont plus heureux, d’autres jouent plutôt sur la nostalgie. Par exemple, on a un tableau où on est prises dans un jeu vidéo. L’écran nous rappelle sans cesse sa présence et son contrôle », illustre Brière. 

 

C4 : le côté féminin de la force 

Dans ce spectacle très physique, le quintette, qui s’est notamment fait remarquer en 2018 lors de son passage aux émissions télévisées Danser pour gagner et Révolution, démontre une fois de plus toute la force et l’intensité qui l’anime. La chorégraphe en chef, qui est membre de la troupe depuis ses débuts en 2011, souligne d’ailleurs que le nom C4 est aussi celui d’un explosif fort et précis.

 

« Le street dance, c’est un milieu très ouvert, mais il y a quand même plus de gars que de filles. Par exemple, le break, ça demande tellement de force et de précision, c’est toujours impressionnant de voir une fille en faire. Et d’en faire durant une heure, comme on le fait dans ce spectacle, pratiquement sans pause, c’est tout un exploit! », lance-t-elle. 

 

Un autre exploit dont la troupe peut se targuer? Celui d’avoir inspiré et motivé de nombreuses filles à bouger. « On reçoit beaucoup de témoignages de jeunes filles qui nous disent qu’elles font du street dance parce qu’elles nous ont vues à la télé. Je pense que ça va être toujours notre plus grande fierté d’avoir inspiré des petites filles à faire du popping ou du break, des styles de danse où il y a plus de gars généralement. »

 

Un défi technique et technologique

Comme la graphie d’Eva_D l’indique, le thème de la technologie est au cœur de cette production. Laurence Brière raconte que chacune des danseuses a contribué à la construction des tableaux avec l’aide essentielle des concepteurs, ces geeks qui ont créé l’univers du spectacle par le biais d’écrans, d’effets lumineux et de musique originale. 

 

« Ils ne connaissaient rien à notre milieu et nous, on ne connaissait rien au leur. On arrivait avec nos idées d’univers et les concepteurs disaient : “oui, ça, c’est possible” ou “non, ça, on oublie ça!”. Ils ajoutaient aussi leurs idées. Ça a été un clash, mais un clash très positif! », s’exclame Brière en riant et en ajoutant que la troupe aura tout de même eu besoin d’un temps d’adaptation sur scène. 

 

« On a monté le spectacle en salle de répétition sans écrans pour pratiquer. On se disait : “on va toucher là ou là, ça sera assez simple.” Mais, une fois sur scène, ça ne fonctionnait plus avec les écrans! C’est vraiment lors de la tournée l’an dernier qu’on a appris à apprivoiser ce nouveau membre. Très peu de productions de danse ont la chance de travailler avec autant de concepteurs technologiques. On a vraiment de la chance! »

 

Si le spectacle peut sembler s’adresser surtout aux plus jeunes, Laurence Brière assure qu’il interpelle plutôt un public de tout âge. « Il y a des pièces musicales plus hip hop, mais on danse aussi sur une mélodie de piano. Dans les conversations après le spectacle, plusieurs personnes âgées nous ont dit qu’elles ont embarqué et voyagé. Et c’est notre but. La danse, c’est un moyen de communication tellement puissant! Mélanger le street dance avec un côté narratif fort, raconter une histoire, faire vivre des émotions… C’est l’une des forces qui nous distinguent. »