Entretien

La prière chantée de Laura Niquay

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Jean-Christof Cloutier-Ross

On peut dire que Laura Niquay n’est pas passée sous le radar en 2022. En effet, son deuxième album, Waska Matisiwin (Cercle de vie), lui a permis de cumuler de nombreux prix. D’abord, celui d’autrice-compositrice autochtone de la SOCAN, puis celui d’artiste autochtone de l’année ainsi que d’album de l’année en langues autochtones de l’ADISQ. De plus, son plus récent opus se retrouve sur la longue liste du prestigieux Prix de musique Polaris de 2021, ce qui fait d’elle la première artiste autochtone à se trouver dans le top 21. Ses chansons en atikamekw allient le folk et le rock pour porter des messages profonds et touchants. En 2023, sa musique continuera d’aider les jeunes et d’évoluer par le biais d’un tout nouvel album.

 

Thérapie musicale

Le message de Laura Niquay est celui de la résilience. Le parcours des jeunes autochtones est trop souvent truffé de tragédies, et ce, très tôt. Le suicide est un spectre qui rôde dans les communautés, qui vivent ces deuils ensemble. C’est cette expérience collective qui appelle l’artiste de 40 ans sur la scène. « Je suis née pour être une messagère », dit-elle. Ayant profité elle-même de thérapie professionnelle, elle considère que la musique peut aussi prendre part à la guérison. En effet, cet art lui a permis de se sortir d’un tourbillon d’idées sombres. Cette résilience, elle veut la donner aux jeunes. En fin décembre 2022, elle a été invitée à parler aux élèves du primaire et du secondaire de sa communauté. Elle veut partager son parcours et les difficultés qu’elle a surmontées pas à pas, pour leur transmettre un message d’espoir et de persévérance.

 

« Mon grand-père disait qu’un jour, les femmes à travers le monde seront les leaders. J’ai l’impression d’être l’une d’elles », confie-t-elle. Fière d’être la première femme autochtone de son univers à s’engager sur bien des chemins, elle cultive cet espoir d’un avenir au féminin, tant sur la scène artistique que sur la scène politique. En musique, elle incarne ce changement, entre autres en mettant son identité de l’avant. Elle ne chante qu’en atikamekw, sa langue natale, et les foules la suivent. Si une partie de son public ne parle pas la langue, les allophones accueillent tout de même ses chansons dans l’émotion et l’écoute. Laura Niquay compte bien garder cette direction artistique. « Si j’ai appris le français, vous aussi vous pouvez apprendre l’atikamekw », ricane-t-elle.

 

Une évolution gagnante

Pour Laura Niquay la musique autochtone doit évoluer. « Il faut essayer de faire quelque chose de nouveau. D’ajouter d’autres sons sur le tien, comme j’ai fait, ça a porté fruit », explique-t-elle, en mentionnant sa prestigieuse vingtième place du Prix Polaris. Elle commence 2023 en trombe en se lançant dans la création d’un troisième album. Pour cette prochaine œuvre, elle ajoute une corde à son arc : le blues. Elle raconte que ce style musical est né des Premières Nations en Afrique. C’est un rythme qui provient de la Terre, qui nous relie aux ancêtres. Niquay adresse justement souvent des prières à ceuxes qui sont venu.es avant elle. Ses chansons en font partie. Aller vers le blues est certes une nouveauté, mais aussi une continuité dans le sillon de son processus artistique. Selon elle, le blues peut facilement l’aider à parler de la réalité de son peuple. « Tu peux mettre toute ta culture dans la musique. Tu crées ton univers. »

 

Les chansons de ce prochain album sont écrites, et le travail commence. Elle entre en résidence prochainement pour concocter cette nouvelle œuvre. S’il est certain que l’album sortira en 2023, le secret plane encore sur la date de parution exacte. Ce qu’on sait cependant, c’est que la prolifique autrice-compositrice-interprète Mara Tremblay sera de la partie pour la guider dans cette nouvelle voie musicale. Laura Niquay parle de ce projet avec du soleil dans la voix. L’évolution prendra vie dans la composition ainsi que sur scène. « Je veux un band de femmes », souhaite-t-elle en se remémorant son rôle de leader féminin.

 

Pas de doutes, 2022 aura été une année resplendissante pour Laura Niquay. Avec des spectacles à travers la province et un blues atikamekw à venir, 2023 s’annonce plutôt bien aussi. Une artiste à surveiller qui ne manquera pas de toucher son public, qu’il soit autochtone ou allochtone. D’ailleurs, maintenant qu’elle est sous le feu des projecteurs, l’autrice-compositrice-interprète n’est pas près de s’en aller. Comme elle l’a dit à l’ADISQ : « Je vous promets que je vais être là jusqu’à 97 ans et demi! »